Jamie. Jamie c'est la liberté, c'est le rire puissant, la force vive des impatients. Jamie est irrévérencieux, instable, intenable, un brin narcissique et désobéissant. Jamie pleure dans les fêtes et rit aux enterrements. Jamie aime les hommes, sans doute un peu trop, jusque dans la chair, jusque dans le fond du cœur. Jamie s'attache, Jamie subit, mais Jamie se relève, toujours, et encaisse les coups d'la vie comme des cadeaux. Jamie boit, fume et sniffe même un rail de temps en temps. Jamie ne fait pas attention à lui, il remarque trop les travers des autres. Il aime les regarder, les comprendre, les apprivoiser. Jamie est sauvage, mais c'est un animal sociable, qui attire, qui fédère, qui séduit d'un sourire, d'une œillade. Jamie a du charme, il a du talent, de l'éloquence. Jamie est arrogant, présomptueux, intrusif et corrosif. Jamie s'énerve en gaélique. Jamie, c'est la moitié d'un tout, le frère jumeau qui a oublié de grandir, l'enfant turbulent, le mouton noir. Jamie c'est la violence, à l'état pur, l'amour aussi. Jamie danse dans la rue, il se fout des regards. Jamie, c'est le mec qu'on peut appeler à trois heures du matin si tout va mal, l'adolescent moqueur, l'ami fidèle, l'ennemi à ne pas se faire. Jamie, c'est l'insolence, l'amitié, sa sœur. Jamie, il tend la main comme il tend le poing, il donne et reprend, il ne pardonne pas. Jamie, c'est l'impensable penseur, l'improbable poète, le séducteur romantique. Jamie, c'est la vie, mouvante, vibrante, implacable. C'est l'espoir, les ténèbres, la voix qui s'élève sur des airs de légendes, qui conte ses origines avec des étoiles dans le regard. Jamie est stupide, Jamie a le cœur trop grand. Jamie a l'accent qui claque, identitaire. Jamie c'est un combattant, c'est un lâche, ce n'est rien qu'un homme, presque un dément.


Y a la nuit. L'infini. Parfois, t'as l'impression que l'monde t'appartient. Puis tu roules seul, dans ton taxi, à travers cette ville qui ne sera jamais vraiment la tienne. New York n'est pas chez toi, ça ne le sera jamais, mais Ella aime trop cette ville et ses habitants. Alors tu restes, tu restes pour elle et garde secret le désir de retrouver ta terre, ton bord de mer, la jetée de Wick. Les lumières se confondent en esquisses dorées. La radio crache des poèmes, insomniaques, solitaires, leurs voix résonnent comme des conteurs d'un autre temps. Et toi, Jamie, tu te laisses bercer par la vitesse et les vers, tu te laisses emporter par la marée des souvenirs. Le paysage nocturne disparait, se fondant en plaines et montagnes, bercées de ces lueurs bleutées qui ne naissent que de la brume et des fantômes qui rodent dans les hautes terres. Les jardins de ton Ecosse s'offrent à toi dans ce songe éveillé, et tu entends l'écho lointain des vagues qui frappent la berge, puis les cris de protestation d'un enfant qu'on arrache à ses racines. - I don't wanna go there ! I don't wanna leave, please mamaidh, please ! Une femme tire le petit garçon par le bras, puis abat sa main sur sa joue, le forçant à monter dans la voiture qui va les mener à l'aéroport, puis vers l'Amérique, vers cette nouvelle existence. Le petit garçon a les larmes aux yeux, mais qu'est-ce qu'il peut faire à part hurler puisqu'il a déjà essayé de s'enfuir ? Ta propre voix te ramène au présent. Tu te gares sur le bord de la route, tes mains posées sur le volant, tu poses ton front sur elles, emporté par la puissance du passé, par ta propre histoire, aussi banale que pathétique.

- Bricklayer maybe, huh ? You really want to make mom angry don't you ?What ? What's the problem with being a bricklayer, a waiter or working at a slaughterhouse ? She wanted us to become scientists, teachers, lawyers, well she can go f.., erm, I won't do anything to please her. And you'd ruined your life just to piss her off ? - Nah. Ye don't get it, I'm perfectly fine with the way I live my life, and if she's not happy about it ? Even better. - She's already complaining all the time about the fact that she won't have grandchildren. - She'll have yours. lances-tu, accompagnant ta phrase d'un sourire entendu à ta sœur, qui se contente de lever vers toi un regard exaspéré. Tu n'as jamais pardonné à ta mère de t'avoir emmené si loin de chez toi. Elle ne t'a jamais pardonné d'aimer les hommes. Tu aurais voulu le faire exprès que tu n'y serais pas parvenu. Tu ne lui parles plus depuis ce qui te semble une éternité, et tu ne tiens pas à arranger les choses, pas tant qu'elle ne verra pas son fils autrement qu'une aberration, pas tant que tu ne seras pas capable d'oublier cette gifle. Ce n'est rien pourtant, un geste, un seul, au beau milieu de toutes les disputes, de tous les cris, de toutes les insultes, ce n'est rien qu'un geste, mais celui qui représente un moment décisif, le tournant de ta vie, de votre vie. Tu poses tes yeux fatigués sur Ella, puis passe ton bras autour de ses épaules tout en lui souriant, poussant de ta main libre la porte du pub.

Tu t'éveilles, passes une main lasse sur ton visage et quitte difficilement le confort de ton lit, la mine renfrognée par la pluie qui tombe au dehors. Tu éteins le réveil en te levant, prenant la direction du salon où ton petit-ami du moment est entrain de boire un café, la télé allumée. Il te tend une tasse alors que tu jettes un coup d'œil à l'écran. Tu connais la série, et l'acteur, dur de le louper tant son visage est devenu commun, sur les affiches publicitaires, dans les journaux, mignon tu dois bien le reconnaître mais que tu trouves plutôt minable tant il manque de conviction, il débite quelques lignes d'une banalité affligeante et ça t'arrache un soupir de consternation. - How can you watch this shitty soap ?   Tu attrapes la télécommande et éteins le téléviseur, retournant ton attention sur l'homme appuyé contre le plan de travail. - I'm pretty sure we can find a better way to lighten this morning. souris-tu en comblant l'espace qui vous séparait, une expression qui ne laisse aucun doute sur tes intentions accrochée sur tes lèvres.